Albert DUBOUT (1905-1976) est sans doute le dessinateur humoristique (*) qui a le plus ravi mes jeunes années, avec l'excellent Jean BELLUS, son contemporain, dans un registre assez différent. Tous deux publièrent dans "France Dimanche" (bien avant que ce titre ne devienne le torchon diffamatoire que l'on connait aujourd'hui) Dubout avec une série de blagues inspirées de la mythologie ("Les Tendrons d'Achille", fallait oser !...) et Bellus avec les aventures de la fille affriolante d'une famille de franchouillards moyens, "Clémentine Chérie", qui donna lieu à une adaptation cinématographique dans le début des années 60 attestant du succès populaire de la série.
Un dessin de Bellus dont je n'ai pas la légende... Mais qui donne le ton.
Ce que j'aimais chez Dubout, avant le gag - parfois d'une drôlerie relative - c'était le dessin et l'esprit déjanté...
Dubout, c'était le dessinateur de la multitude ; il était capable de remplir la double page centrale d'un magazine avec des dizaines de personnages (**), tous se livrant à des activités diverses et souvent absurdes, gesticulant, rigolant, hurlant, bouffant des choses étranges, dans des décors à l'unisson de leur loufoquerie, où les lampadaires ont un noeud central, où les tuyeaux des pipes brisés sont rafistolés avec un bout de ficelle qui les superpose, où les voitures artisanales, fabriquées avec des récupérations de palissades et d'éléments de plomberie ont des roues presques carrées avec des pneus percés de clous et constellés de sparadrap en croix... Il n'est pas aisé de décrire les dessins de Dubout, justement parce qu'ils fourmillent d'innombrables détails tous plus dingos les uns que les autres !... (***)
Le petit train de Palavas, bondé, dans le plus pur style Dubout...
Et puis, il y a le "couple à la Dubout" qui a marqué les esprits à cette époque : une énorme mémère à triple mentons, moche à faire peur, verrue sur le pif, un renard mité autour du goître, loin d'être commode, traînant à son bras boudiné un petit mari soumis à binocles louchant au-dessus de sa moustache chafouine et dont les bottines guêtrées ne touchent même pas le sol...
Je me suis toujours demandé (maintenant encore) si Dubout n'était pas profondément misogyne !...
Deux exemples...
Cette vision horrifiante de la femelle imbaisable lui valut (à la demande de celui-ci) d'illustrer Frédéric DARD (San Antonio) représentant à merveille et sans se forcer Berthe et Alexandre-Benoît Bérurier...
Dard ne fut pas le seul admirateur de Dubout à faire appel à son art ; bien avant, il y eut Marcel Pagnol, Marseillais tout comme lui. C'est Dubout qui réalisa les affiches des films de la célébrissime trilogie : Marius - Fanny - César, portée à l'écran par son auteur, et qui illustrera également l'oeuvre écrite de celui-ci. Pagnol et Dubout devinrent d'ailleurs de grands amis, et Dubout réalisera les affiches de pratiquement tous les films de Pagnol.
Dubout met en images avec un égal bonheur des écrivains aussi variés que François Villon, Prosper Mérimée, Edmond Rostand, Molière, Rabelais, Dard et Pagnol ainsi que je les ai déjà cités, et de nombreux autres auteurs encore...
Dubout et Pagnol
En secondes noces, il épouse Suzanne Ballivet, peintre et illustratrice carrément spécialisée dans l'érotisme, qui avait parfois l'étrange manie de dessiner des filles aux fesses rouges alors que l'ambiance du tableau ne semblait pas évoquer la moindre fessée...
Fort belle illustration de Suzanne Ballivet...
La dame illustra par ailleurs "La Vénus aux Fourrures", De Léopold Von Sacher-Masoch. Mais revenons à Dubout...
Mais pourquoi nous parler de ce rigolo ?... Se disent certains. J'y viens, ah, làlà. D'abord parce que j'en avais envie.
Et puis, c'est que Monsieur Dubout, dans son ecclectisme, n'oublia pas d'aborder - aussi génialement que dans le reste - Des sujets érotiques. Son "Kama - Soutra" est à se tordre... (****)
Mais il y a surtout "JUSTINE", pièce incontournable de l'oeuvre sadienne où l'on attendait guère notre chantre de Palavas-les-Flots, qui lui consacre d'ailleurs un musée...
Naturellement, c'est toujours dans le style désopilant que s'exprime notre méridional, et ceux qui espéraient un truc bandant vont être déçus !... Quoique, au second degré...
Eh bien voilà... La prochaine fois, je vais vous parler d'un élément très important dans la fessée ; j'ai nommé : la chaise.
Oui, parfaitement. LA CHAISE !...
(*) Le dessinateur BARBE, que j'ai interviewé du temps où j'étais journaliste (oui, j'ai été journaliste, et alors ?) m'avait dit avec justesse : "je n'aime pas qu'on dise : "dessinateur humoristique", parce que cela signifierait que c'est le dessinateur qui est drôle, et pas forcément son dessin... Je préfère : dessinateur humoriste".
(**) Sa fille expliquait un jour que son père commençait dans l'angle supérieur d'une feuille de papier, dessinait le premier personnage de sa composition, et qu'il s'arrêtait quand la page était remplie...
(***) Je ne connais qu'un autre (remarquable) dessinateur, très injustement oublié, c'est Jean CEZARD, créateur d'une BD qui paraissait dans l'hebdomadaire "VAILLANT" devenu plus tard le "Journal de Pif", intitulée "Arthur le Fantôme Justicier"... Cézard était coutumier des fresques géantes en double pages avec des floppées de personnages délirants à la façon de Dubout...
(****) Pas mal, celle-là, je trouve.